J'ai Vécu "Atherine Run" à Port Cros
L'histoire de "ATHERINE RUN"
vous est contée :
Ce 15 Octobre 2014, embarquée sur le MOUSQUEMER, bateau du Parc National de Port Cros, je participe à un comptage de Mérous et de Corbs sur le Site de LA GABINIERE EST.
le programme est simple : Largage sur le tombant Est
trajet prévu en direction du SUD de la GABINIERE
Récup "calanque Sud Est" sur la façade SUD.
Palanquée composée de Patrick, François, Jacques et moi
répartis sur des profondeurs allant de - 10m à - 40m.
Nous sommes en MISSION COMPTAGE donc tous équipés de notre plaquette afin de noter les mérous et corbs que nous observons sur le
parcours.
Je ne suis pas en Plongée Photos, MAIS, sans doute, par addiction, j'emporte, pendu à ma stab, mon appareil photo.
Comme d'habitude, dans ce type de plongées, je ne le sortirai qu'en fin d'observation aux paliers pour passer le temps.
Il est à peine 10h du matin, tout se passe normalement, chacun restant en visuel du plongeur qui est au dessus et au dessous de lui, nous avançons ensemble au même rythme, tous focalisés sur les mérous, la palanquée parfaite !
A -30m, intercalée entre Jacques et François, pour moi tout va bien.
Je vois quelques petits poissons qui se regroupent, vont et viennent avec frayeur.
Oui, nous sommes des plongeurs, nous faisons du bruit, des bulles, nous sommes des "Grosses Bêtes", oui, souvent nous induisons des réactions de peur et de fuite dans les bancs de petits poissons.
C'est fréquent, banal, mais là, les mouvements de fuites se prolongent.
Je tourne la tête pour vérifier si Jacques est bien toujours à ma gauche, en dessous.
Je vois alors passer une grande (vraiment grande)
sériole,
et puis une autre,
et puis un banc d'une
centaine ( et plus)...
de sérioles plus petites
Je rêve ?
Le spectacle est imprévu, inimaginable, incroyable ...
non je ne rêve pas !
Un regard vers Jacques, je n'y tiens plus, je laisse tomber plaquette
et crayon, décroche mon appareil et je fais trois photos,
mais il ne marche pas : les photos sont complètement noires
J'aperçois Jacques qui est remonté et s'approche, a-t-il vu ce que j'ai vu ?
Dépitée j'essaie encore ce foutu appareil.
Jacques apparait sur l’écran, éclairé par le flash interne de mon appareil.
C'est donc qu'il fonctionne !
Et Je réalise, que nous sommes dans le Noir,
il est 10h du matin, et il fait nuit noire !
Je ne vois plus François : littéralement englouti par un
banc énorme de petits poissons,
je ne vois pas Patrick qui est au dessus de nous tous.
Nous restons
en dessous et
en dehors
de ce banc
de poissons.
Masse noire énorme
qui se déforme et nous évite
Cette "Boule" de poissons, est attaquée de toutes parts par les sérioles,grandes et petites, les dentis, les barracudas,les mérous opportunistes,
Tout cela dans une "frénésie générale".
Observer ou Photographier, je suis partagée. Alors j'observe et "tape quelques photos", consciente que mal équipée pour la Photo, les résultats photographiques seront au mieux bien moyens...
Enfin, ce sera quand même une preuve, avec les plongeurs, toujours sceptiques, j'ai compris qu'une photo même mauvaise fait foi.
Voilà, l'Aventure est finie, la "Boule noire" s'est éloignée,
emmenant avec elle sérioles, dentis, barracudas.
Restent les mérous, les plongeurs et la lumière du jour revenue.
Les plongeurs se remettent de leurs émotions - Reprennent les comptes - Fin de plongée - Surface et paroles retrouvées -
Explosion de mots - Retour à bord.
un plongeur passionné est toujours volubile, là il y en a quatre...
sous le choc et sous les regards amusés de ceux qui sont restés en surface qui s'interrogent et se demandent si nous n'exagérons pas un
peu !
Mais, les photos sont là,
Dimension de la Boule :
environ de -10m à -26m
Identification incertaine,
par manque de photos précises
Peut être des Anchois ? Juvéniles ?
Durée de l'aventure :
6 minutes.
Nous étions 4 témoins,Voici comment les autres ont vécu l'Aventure :
Patrick LELONG celui qui était "au-dessus" :
" Dans la palanquée, je suis en haut, en contact visuel avec François situé à ma gauche.
Je suis absorbé par le comptage des mérous et j'arrive devant un petit piton que je contourne par la droite en bordure du tombant Est. Il y a là 2 mérous que je note sur ma plaquette
– temps de plongée, profondeur, estimation de la taille –
tout en continuant à avancer lentement.
Et tout à coup c'est la nuit noire ! je suis décontenancé : j'ai l'impression d'être entré dans une grotte sous-marine, je devine à peine le fond à 2-3 mètres sous moi mais la paroi de la Gabinière, à ma droite, est parfaitement éclairée.
Il me faut une dizaine de secondes pour me persuader que, malgré mon ressenti, il ne peut pas s'agir d'une grotte, je connais bien cette zone et je sais qu'il n'y en a pas.
Un coup d'œil vers la surface et je comprends enfin. Le nuage d'athérines occupe tout l'espace au-dessus et devant moi, je ne distingue les poissons qu'à sa bordure.
Maintenant que j'ai retrouvé tous mes esprits, il ne reste plus qu'à contempler et admirer les mouvements coordonnés de cette immense boule, dont je ne vois qu'une partie, qui s'étire, revient sur elle-même, monte ou descend, semble vouloir se détacher du reste du banc mais y renonce…
c'est "comme à la télé" les images du sardine run ou les vols d'étourneaux mais en mieux, en réel.
Une grande sériole semble jouer les chiens de berger et ramène vers moi le banc qui m'absorbe un moment et finit par me dépasser.
La lumière est revenue, l'instant magique est passé mais il est définitivement ancré sous ma cagoule…
et il y a un comptage à terminer. " PL
Les Photos de Patrick :
François BONHOME celui qui était "en plein milieu" :
"Imaginez un nuage noir qui obscurcit tout à coup le ciel avec,
comme les grêlons sous un orage, une myriade de petit traits d'argent qui traversent mon champ de vision dans une panique indescriptible ! Pas le temps de m’accrocher au rocher, et me voici emporté par la masse fluide et sombre qui m'entoure de toute part.
Je perds contact avec tout autre élément du décor pendant un temps qui me semble interminable, dans une obscurité quasi totale, pris par une sensation légèrement angoissante.
Le flux général va de bas en haut et me dépasse en me poussant littéralement.
Quand je consulte mon profondimètre au bout de deux bonnes minutes, je m'aperçois que je suis remonté de 22 à 8 mètres.
Je vide ma stab, redescends de quelques mètres et retrouve enfin la lumière de l'autre côté d'un éperon rocheux, un peu étourdi, loin du reste de la palanquée..." FB
Jacques RANCHER celui qui était "au fond" :
"On est en fin de comptage sur le tombant Est, j’ai toujours Chantal au dessus de moi depuis 15 bonnes minutes, on reste en contact visuel, sauf pour voir et compter les mérous, estimer les tailles et noter sur ma plaquette le temps et les comportements des poissons.
On est donc très concentrés, je sais qu’à la profondeur où je suis il faut maintenant que je remonte le long du tombant, le temps de voir la table, le profondimètre, ma montre. Bon tout va bien.
On m’a informé qu’il y a un rocher à cette profondeur qui marque la fin de la plongée, même s’il fait sombre malgré une bonne visibilité, j’aperçois un gros rocher un peu plus loin.
Je remonte le tombant en prenant mon temps, je regarde ma montre, note l’heure Il fait plus sombre et bizarrement le rocher a grandi, on dirait maintenant plutôt une grosse « patate » corallienne, sombre et le rocher se rapproche !! en longeant le tombant.
Je suis là au plus près de la roche, je me retourne pour voir ma binôme, elle est là, demi tour vers le rocher qui s’est transformé en grosse boule à mon approche, quasi parfaite…. énorme !!...
je suis dans la boule, il fait nuit, je suis agrippé au rocher… et là je comprends qu’il s’agit d’un banc de poissons.
Puis un flash d’appareil juste au dessus de moi qui m’éblouit, mais il fait nuit à nouveau. La boule me quitte tout en restant au plus près de la paroi, je vois juste derrière des dentis, des sérioles, des barracudas suivis de mérous.
Je me détache un peu pour apprécier ce spectacle et miracle la boule reviens vers moi, se scinde en deux et repasse le long du tombant en m’enveloppant. La colonne d’athérines reste encore un peu autour de moi et s’éloigne vers l’Est.
Je regarde ma montre, cela fait 6 minutes que je suis devant ce spectacle, dans ce spectacle, et j’ai l’impression que tout s’est passé très vite, bien trop vite.
Je regarde vers le haut ..je ne suis pas le seul à avoir vu cela, toute la palanquée est là à attendre, regards vers le large. Instants magiques, rares, inoubliables.
Je me retourne, mais plus rien, je sais que c’est fini.
Je vois des regards heureux, je sais que nous venons de vivre quelque chose de rare." JR
Pour information et pour terminer l'histoire, 2 jours plus tard,
le comptage a été refait,sur le même site et par une autre palanquée.
Voilà, "Le compte est Bon"
!
et Merci la Mer pour ce Beau Cadeau